Intervention du syndicat CGT cheminots de Toulouse
Hommage rendu à la mémoire de Pierre SEMARD
7 mars 2012
Chers Amis, Chers Camarades , Mesdames et Messieurs
Le 6 avril 1940, Pierre Sémard dirigeant de la fédération Cgt des cheminots était condamné à trois années de prison par le tribunal militaire de Paris qui venait de condamner les députés communistes.
Rappelons que 3 mois plus tard, l’assemblée des parlementaires élus en 1936,
après avoir déchu les députés communistes, votaient les pleins pouvoirs �
Pétain. En prison les agents de la Gestapo utilisèrent des
pressions abominables sur sa famille il ne vacilla pas. Ils eurent alors recours
à la torture pour tenter de mettre à genou l’inébranlable SEMARD. Les occupants nazis appuyés par les collaborateurs savaient quel était l’aura de Pierre Sémard parmi les cheminots, combien chacune de ses paroles avaient de poids pour eux et l’ensemble de la classe ouvrière.Ils essayèrent de lui arracher une renonciation à ses opinions et de faire de ce grand Français un instrument de leur odieuse oppression. Quand ils se rendirent
compte qu’ils n’y parviendraient jamais, ils exécutèrent Pierre Sémard.
Et c’est ainsi que Georges Séguy s’exprime : « je n’oublierai jamais ce sinistre jour de mars 1942, où mon père est arrivé à la maison et nous a dit les larmes aux yeux ; ils ont assassinés pierre Sémard. »
C’était le 7 mars 1942 à la prison d’Évreux.
Dans cette période particulière de l’histoire, honorer la mémoire de Pierre SEMARD revêt une dimension significative. Il est coutume de dire de cet homme qu’il était un visionnaire, qu’il fut un de ceux qui ont tracé les premières lignes d’une conception moderne du syndicalisme.Il prônait déjà le rassemblement des salariés et la dimension unitaire à donner aux luttes comme un élément indispensable à la construction du rapport de force. Il a porté l’idée du syndicalisme comme devant être une force de contestation mais aussi de propositions alternatives qui doit créer la capacité de mobiliser les salariés pour parvenir à négocier sur des bases revendicatives construites avec eux.C’est à partir de cette analyse que dès 1937, au regard du développement technologique du début du XXème siècle, il a développé le besoin d’élargir le champ syndical de la CGT aux salariés de l’encadrement en créant une Union Confédérale et des Unions Fédérales des Cadres.
C’est aussi à partir de son étude de l’environnement politique, économique et social, qu’il a porté la nécessité d’un syndicalisme qui doit garder son indépendance vis-à-vis des partis politiques tout en précisant avec beaucoup de pertinence qu’indépendance ne signifie pas neutralité. Je pense qu’avant tout, ses idées avant-gardistes étaient guidées par des valeurs profondément humaines et par une appréciation très fine du contexte. Cet homme était surtout animé par la volonté de voir se construire une société sur les bases de la paix, de la justice, de la démocratie, de la solidarité entre les hommes et entre les peuples, du respect de l’être humain et de son travail. Il ne s’agit pas aujourd’hui de faire un simple rappel historique pour éviter que certaines pages de notre histoire contemporaines tombent dans l’oubli, même si cet exercice est indispensable. Il s’agit de faire en sorte que ceux, comme Pierre SEMARD, qui sont morts pour défendre nos idéaux nous servent de repère pour prolonger leur combat. C’était la volonté de Pierre SEMARD, c’est ce qu’il a écrit quelques heures avant de tomber sous les balles nazies.
Comme il est étonnant de mesurer à quel point les batailles revendicatives menées par cet homme lorsqu’il dirigeait la Fédération CGT des Cheminots sont modernes et d’actualité.
Négocier les congés payés et une réduction du temps de travail hebdomadaire, travailler à la construction d’une entreprise nationale, publique, unique et intégrée de chemin de fer, donner au transport ferroviaire la dimension d’un service public indispensable au développement de la nation répondant aux besoins des citoyens, associer à cette dimension l’exigence d’un statut et d’une protection sociale de haut niveau pour les salariés du rail, œuvrer à l’élaboration de conventions collectives dans les transports pour éviter la mise en concurrence des salariés de ce secteur, notons comme ces axes revendicatifs sont contemporains.
Que disait le patronat à cette époque ? : Les congés payés, la réduction du temps de travail, la protection sociale solidaire et les conventions collectives, la redistribution des richesses produites sont des facteurs qui vont ruiner les entreprises et faire s’effondrer l’économie. Que disaient alors les formations politiques conservatrices ? : Les entreprises publiques, les services publics, les statuts protecteurs de leurs salariés, sont autant d’éléments insupportables pour les finances de l’État.
Ce sont les mêmes, qui aujourd’hui, nous assènent des discours semblables, arguant de la mondialisation capitaliste, de la libéralisation ou de la concurrence libre et non faussée, présentées comme autant de dogmes. Ce sont les mêmes qui au niveau européen prônent les pactes de stabilité qui se transforment en pactes de compétitivité lorsque les mots sont dans la bouche d’Angela Merckel et de Nicolas Sarkozy et se traduisent en réductions des dépenses publiques et plans d’austérité pour les peuples. C’est à partir de ces logiques ultra-libérales que dans toute l’Europe, les gouvernements réduisent les niveaux des salaires et des retraites, font reculer l’âge de la retraite, remettent en cause les droits sociaux et nous resservent le discours patronal sur le coût du travail. C’est sur ces bases que le gouvernement français, casse les services publics, ronge par morceaux notre protection sociale de santé et de retraite basée sur la solidarité pour l’ouvrir à la capitalisation et servir le secteur assurantiel privé.
Ces dirigeants politiques et patronaux qui ont versé en quelques
mois des milliers de milliards d’euros et de dollars pour sauver les banques de leur démence spéculative à l’origine de cette crise financière qui s’est transformée en crise économique et sociale, entendent maintenant profiter de la situation pour faire payer les salariés en instaurant la régression sociale. Il est une évidence, le combat syndical mené par des hommes comme Pierre Semard doit impérativement se poursuivre.
Rendre hommage à cet homme doit se traduire par notre engagement fort contre les puissances financières ou patronales et contre les forces politiques à leur solde.
Alors, oui ! Ce combat de Pierre Semard et de ses compagnons de route est parfaitement d’actualité. Dans cette période de campagne électorale, la cgt mène ce combat même si les chiens de garde veillent à ne pas le montrer.
Le 29 février dernier des millions de salariés en Europe se sont mobilisés contre le prochain traité à l’appel de la CES. Ils ont porté d’autres exigences pour leur avenir.
Se souvenir de Pierre SEMARD, c’est aussi faire honneur à ses valeurs humaines et à son œuvre pour la paix. Lui qui a été emprisonné pour avoir combattu la guerre au Maroc, serait certainement atterré de constater à quel point ces idées colonialistes ont peu évolué. Les guerres qui perdurent sur notre planète sont toutes déclarées sous des prétextes fallacieux (religion, terrorisme) alors qu’elles trouvent toutes leurs origines dans des critères financiers, pour servir les marchands d’armes et les firmes qui exploitent les ressources naturelles. Les révolutions populaires qui se sont multipliés en Afrique du Nord ont trouvé leurs sources dans la rébellion contre les pouvoirs dictatoriaux
que les Etats d’ Europe de l’Ouest et les Etats-Unis ont mis en place pour que le colonialisme économique succède au colonialisme territorial.
Pierre Sémard qui fut assassiné par les nazis et le gouvernement de Vichy trouverait aujourd’hui dans le gouvernement Français certains ministres tenant des propos proche des thèses de ceux la même qui l’ont fusillé.
Oui, Pierre SEMARD avait une grande lucidité quand il demandait à ses camarades cheminots de poursuivre inlassablement le combat contre le fascisme car celui-ci est toujours présent et s’alimente de la misère pour en faire son lit.
Chers amis, chers camarades, lorsque nous disons que le devoir de mémoire est insuffisant s’il ne s’accompagne pas d’une démarche volontariste pour défendre nos valeurs, c’est que nous savons que la bête immonde prend quelques fois des visages aimables pour convaincre ceux qui sont dans la galère, que leur misère provient de plus malheureux qu’eux. Restons attentifs car les thèses racistes, xénophobes, homophobes, sexistes portées par des discours populistes pénètrent notre société par l’ignorance ou l’exaspération des populations.
Nous devons être très vigilants, la perte de repères historiques et politiques conduit parfois à des dérives graves et il est de notre devoir d’être très ferme sur ces questions là. Une fois encore, lorsque Pierre SEMARD explique que l’indépendance syndicale vis-à-vis du politique ne signifie pas neutralité, il fait preuve de beaucoup de clairvoyance.
Depuis, la Cgt défend fièrement ce principe, nous ne serons pas simples spectateurs durant cette période, nous allons nous en mêler avant, pendant et après les élections.
Une chose est sure, la CGT sera rafraichir la mémoire des salariés, le parti au pouvoir a fait, durant ce quinquennat, des réformes anti sociales graves, pour autant l’enjeu ne peut se résumer à écarter un homme, c’est tout un système qu’il faut revoir.
Héritière de Pierre Sémard, la Cgt est une organisation de proposition et de défense des droits des salariés et deconquête sociale.Nous le disons avec fermeté aux forces progressistes: ayez la force et l’ambition pour rétablir la justice sociale. Revenez sur le socle social du CNR que le gouvernement actuel
s’attache à démanteler. Redevenez, comme l’était celui qu’on honore
aujourd’hui, porteur de progrès social, comme le droit à la retraite à 60 ans à taux plein par exemple.
Pierre Semard a mené bien des combats, dont celui de permettre aux salariés
d’intervenir dans la gestion des entreprises. Il fut l’un des premiers
administrateurs de la SNCF. Cette intervention des salariés nous est contestée
par l’ensemble des tenants du libéralisme, nous l’avons vu en fin d’année 2011
avec la fronde montée de toute pièce contre l’action de certains Comités
d’Entreprises.
Dans la deuxième partie de sa vie Pierre SEMARD a mené le combat pour la nationalisation de la SNCF et pour le Statut de son personnel.
Les préconisations issues des assises du ferroviaires gouvernementales en décembre dernier, donnent comme perspectives le démantèlement de l’Entreprise Publique et du statut des cheminots et avalisent comme seules perspectives le développement de l’ouverture à la concurrence. Nous sommes là bien loin de la réponse aux besoins de transport des citoyens et de la nation !
Héritiers du combat et des idées de pierre Sémard, la CGT, les cheminots unis ne laisserons pas faire et c’est notamment au travers des états généraux du service public du ferroviaire que nous portons des exigences fortes pour le statut d’une entreprise publique
intégrée et péréquable qui réponde véritablement aux enjeux sociétaux.
Chers amis, chers camarades l’assassinat de pierre Sémard avait affecté et révolté les cheminots, et leur envie de résister s’est transformé en ferme détermination. Et bien que 70 ans ont passée, je peux vous assurez que la détermination est toujours intacte pour
défendre l’entreprise publique et porter des valeurs de progrès.
Alors oui, chères et chers camarades, honorer la mémoire de Pierre Semard en 2012, 70 ans après son assassinat, n’a rien d’archaïque ou de passéiste comme certains pourraient le laisser penser.Bien au contraire, se souvenir de ce combattant, de ce syndicaliste qui nous a fait honneur comme premier dirigeant de notre Fédération, c’est nous engager à poursuivre son combat et son œuvre et nous attacher à être modestement ses dignes et fiers héritiers.
Et honorer la mémoire de Pierre Sémard, homme de paix, fervent défenseur de l’entreprise publique, du service public et dont Le combat et l’engagement se retrouvent dans le
programme du Conseil National de la Résistance baptisé «Les jours heureux», nous
donne également l’occasion d’honorer toutes celles et ceux ( comme Georges Malgouyres dont l’esplanade devant la gare Matabiau porte aujourd’hui son nom) combattant pour la paix, la liberté et le progrès social et particulièrement la corporation cheminote qui paya un lourd tribut puisque 8 938 cheminots y laissèrent leur vie, 15 977 ont été
blessés pour faits de Résistance et 1 157 sont morts en déportation.
Enfin en cette veille du 8 mars, journée internationale de lutte des femmes, je tiens
à saluer l’engagement de toutes les militantes qui sont les dignes héritières de ces femmes de la résistance.
La véritable égalité Homme /femme reste un combat à gagner et Leur lutte est notre lutte !
Elle doit s’amplifier pour faire cesser les discriminations dont elles font l’objet.
Cela permettra à l’ensemble des citoyens de gagner de nouveaux droits !
Liberté Egalité Fraternité est la devise de la France.
Comme Pierre Sémard l’a fait, continuons à combattre pour que ces trois mots aient un
véritable sens !